dimanche 16 novembre 2014

Hélène Nebout (1917-2014)
Une résistante - Hélène Nebout – L’institutrice qui devint cheffe de maquis 
En 1940, Hélène Nebout a 25 ans. Institutrice en Charente, elle n’a rien d’une combattante et ne porte aucun uniforme. Pourtant, l’Occupation va transformer cette jeune femme au destin ordinaire en l’une des figures les plus singulières de la Résistance intérieure. Son engagement naît d’un refus simple et total : elle ne supporte pas l’idée d’une France à genoux. Alors elle entre en clandestinité.
Avec quelques résistants charentais, Nebout participe à la création du maquis Bir Hakeim, ainsi nommé en hommage aux soldats de la France libre qui ont tenu tête à l’Afrika Korps. Sous le pseudonyme « Chef Luc », elle organise, transmet des ordres, structure un groupe fragile qui doit constamment se disperser, se reformer, survivre. Très vite, les hommes qu’elle encadre la considèrent comme une cheffe naturelle. Son autorité ne repose pas sur la force mais sur un sang-froid remarquable et une maîtrise des situations les plus périlleuses.
L’année 1944 fait sortir de l’ombre ceux qui, jusque-là, combattaient invisibles. Alors que les lignes allemandes reculent, le maquis Bir Hakeim participe à la libération d’Angoulême. Nebout y apparaît publiquement sous son grade clandestin, symbole d’une hiérarchie bouleversée où les résistants passent brutalement de la clandestinité à la lumière. Quelques jours plus tard, lors de la visite du général de Gaulle dans la ville libérée, elle figure parmi les combattants choisis pour représenter la Résistance locale. La présence de cette jeune femme, cheffe de maquis, bouscule les représentations habituelles de la lutte armée.
Mais pour elle, la guerre ne s’arrête pas à l’été 1944. Nebout rejoint le front de l’Atlantique, où les dernières garnisons allemandes refusent de se rendre. Elle combat dans la poche de Royan, puis sur l’île d’Oléron. Sans transition, elle passe de la clandestinité à l’affrontement en uniforme, poursuivant la lutte jusqu’aux ultimes combats sans chercher ni carrière politique ni mise en scène médiatique.
Après-guerre, l’histoire nationale retient surtout des figures masculines. Le parcours d’Hélène Nebout, institutrice devenue cheffe de maquis et reconnue par de Gaulle lui-même, ne cadre pas avec les récits traditionnels. C’est sans doute l’une des raisons pour lesquelles son nom reste trop discret. Pourtant, elle incarne un visage essentiel de la Résistance : celui des femmes qui n’ont pas seulement ravitaillé, soigné ou renseigné, mais commandé, combattu et risqué la mort.
Son histoire rappelle que les temps de crise révèlent des forces insoupçonnées. Rien, dans sa salle de classe, ne préparait Hélène Nebout à libérer une ville ou à mener des opérations clandestines. Mais lorsque la guerre s’est imposée, elle a refusé de laisser les événements décider pour elle. Elle demeure l’une de ces femmes dont l’engagement a changé le cours de l’histoire — discrète dans la mémoire publique, essentielle dans la réalité du combat.

lundi 7 juillet 2014

Georges Mandel (1885-1944)

Un résistant. Le 7 juillet 1944, il y a très exactement 70 ans, Georges Mandel est exécuté en forêt de Fontainebleau par la Milice française, sur ordre des autorités de Vichy. Livré aux nazis, détenu en Allemagne, il avait été renvoyé en France pour y être tué. Il avait 59 ans.

Né en 1885, Mandel commence sa carrière politique comme directeur de cabinet de Clemenceau pendant la Première Guerre mondiale. Élu député en 1919, il devient, dans les années 1930, ministre des Postes, puis des Colonies, et enfin de l’Intérieur. Il est l’un des premiers responsables politiques à alerter sur le danger que représente Hitler. Il plaide pour le réarmement et une politique de fermeté. Il reste isolé.

Mandel incarne une droiture républicaine inflexible, refusant à la fois le pacifisme naïf des années 30 et la capitulation devant l’Allemagne nazie. En juin 1940, alors que la République vacille, il s’oppose à l’armistice. Les Britanniques lui proposent de quitter la France ; il refuse :
« Vous craignez pour moi parce que je suis juif. C’est justement parce que je suis juif que je ne partirai pas. »

Il fait partie des 80 parlementaires qui refusent les pleins pouvoirs à Pétain. Arrêté, emprisonné, livré aux Allemands, il partage sa captivité avec Léon Blum à Buchenwald.

Churchill, qui le considère comme un véritable homme d’État, souhaite lui confier un rôle central dans la France libre. Mais Mandel, conscient que son identité juive serait exploitée par la propagande de Vichy et des nazis, soutient la légitimité de De Gaulle.

En juillet 1944, après l’exécution du propagandiste Philippe Henriot par la Résistance, Vichy orchestre l’assassinat de Mandel, en représailles.

Peu après, sa fille Claude, 14 ans, adresse à Pétain une lettre d’une dignité remarquable dont voici un extrait :

« Le nom que j’ai l’immense honneur de porter, vous l’aurez immortalisé… Il servira d’exemple à la France et l’aidera à se retrouver, bientôt, dans le chemin de l’honneur et de la dignité. 

Lire l'intégralité de cette lettre (et celle adressée à Laval) ICI.

Georges Mandel est l’une des figures républicaines majeures de la première moitié du XXe siècle. Républicain intransigeant, fidèle à la démocratie parlementaire, au patriotisme civique, à la laïcité, il s’est opposé dès le départ à l’idéologie nazie et au renoncement.

Avec Léon Blum, il incarne ce que notre époque devrait encore méditer. À l’heure où certains répètent que "l’Ukraine n’est pas notre guerre", son parcours rappelle une vérité simple :
Une agression contre le droit, la liberté et la souveraineté d’un peuple concerne tous ceux qui s’en réclament.
Mandel l’avait compris. L’histoire lui a donné raison.