samedi 13 décembre 2025

Pierre Valcelli (1922-1944)
Pierre Valcelli – Un jeune partisan tombé dans le Var.

Pierre Valcelli naît le 24 janvier 1922 à Salernes, dans le Var, au sein d’une famille ouvrière d’origine italienne. Céramiste de métier, il s’engage très jeune dans les Jeunesses communistes. Lorsque la répression s’intensifie, il rejoint les Francs-tireurs et partisans sous le pseudonyme de « René », convaincu que la lutte armée est devenue inévitable.
Au printemps 1943, il fait partie des premiers résistants à rejoindre le maquis Faïta, dans le massif des Maures. Rapidement repéré par les forces de l’ordre après une attaque du camp et la découverte d’effets personnels lui appartenant, il entre dans une clandestinité totale. De déplacements en replis, Valcelli suit le maquis à travers le Var et s’impose comme l’un de ses éléments les plus actifs.
Il participe à de nombreuses opérations – sabotages, actions de récupération, et surtout coups de main audacieux. À l’automne 1943, il prend part à la libération de camarades FTP arrêtés au Luc après une affaire de tickets de rationnement. Quelques semaines plus tard, le 13 décembre 1943, il est l’un des résistants engagés dans l’évasion spectaculaire de la prison de Draguignan, qui permet de soustraire plusieurs détenus aux mains de la Gestapo.
Reconnu pour son engagement, il est nommé commissaire aux effectifs du détachement FTP « Guy Môquet ». À la fin de l’année 1943, son groupe stationne à la ferme des Limattes, sur la commune de Signes, non loin de Toulon. Le 2 janvier 1944, le camp est attaqué par la Wehrmacht et des auxiliaires de la compagnie Brandebourg. Pierre Valcelli est abattu avec huit de ses camarades et le berger qui les aidait – son corps porte les traces de balles et de coups de baïonnette.
Ses obsèques, célébrées à Salernes le 7 janvier 1944, prennent l’allure d’une manifestation patriotique massive, malgré l’Occupation. Les autorités allemandes elles-mêmes notent l’ampleur de l’hommage rendu par la population. Après la guerre, son nom est donné au maquis FTP de Claviers-Brovès, créé au printemps 1944. Il est cité à l’ordre de la Nation et décoré de la Croix de guerre à titre posthume.
Pierre Valcelli incarne cette génération de très jeunes résistants pour qui l’engagement ne fut ni théorique ni lointain. Ouvrier, militant, combattant, il choisit l’action directe et y laissa la vie – à 21 ans – mais aussi derrière lui une mémoire inscrite dans le paysage et dans l’histoire du Var.


dimanche 3 septembre 2023

Gilles Jamain ( 1925-1943)
Gilles Jamain – La jeunesse face à la barbarie

Gilles Jamain est né en 1925 à Saint-Nazaire-sur-Charente. Apprenti plâtrier, il s’engage très tôt dans la Résistance. En décembre 1941, à l’âge de seize ans, il rejoint les Francs-Tireurs et Partisans dans la région de Rochefort.

Il participe à la constitution et à l’encadrement de groupes FTP composés en grande partie de jeunes résistants. Il assure notamment la protection armée des équipes de sabotage opérant en Charente-Maritime. Il agit sous l’autorité de responsables régionaux FTP et mène certaines actions aux côtés de son beau-frère, Maurice Chupin.

Au printemps 1943, à la suite de l’arrestation d’un cadre FTP, son identité est révélée aux autorités allemandes. Gilles Jamain prend la fuite et se cache successivement à La Tremblade, Marennes et Royan, avant de tenter de rejoindre les maquis en formation en Dordogne. Le 14 mai 1943, alors qu’il attend un passage de la Charente près de Rochefort, il est dénoncé et arrêté.

Incarcéré à la prison Saint-Maurice de Rochefort, puis transféré à la prison de la Pierre-Levée à Poitiers, il est interrogé par les autorités allemandes. Il est condamné à mort par un tribunal militaire allemand le 26 août 1943.

Gilles Jamain est fusillé le 3 septembre 1943 à la butte de Biard, à l’âge de dix-huit ans, en même temps que plusieurs autres résistants, dont Maurice Chupin.

Son nom figure parmi ceux des jeunes résistants FTP exécutés en 1943 pour faits de Résistance en Charente-Maritime.

 


samedi 20 juillet 2019

M-Madeleine Fourcade (1909-1989)

Marie-Madeleine Fourcade – Une héroïne de l’ombre.
Il y a trente ans jour pour jour disparaissait Marie-Madeleine Fourcade, née Bridou à Marseille, l’une des rares femmes à avoir dirigé un grand réseau de résistance en Europe. Pendant la Seconde Guerre mondiale, elle prend la tête du réseau Alliance, surnommé « l’Arche de Noé », après l’arrestation de son fondateur Georges Loustaunau-Lacau.
Sous le pseudonyme « Hérisson », elle coordonne plus de 1 000 agents, organise le renseignement pour les Britanniques, monte des filières d’évasion et protège son réseau malgré arrestations et trahisons.

Exfiltrée en Angleterre en 1943, elle continue d’assurer le lien avec la France occupée et participe à la préparation du débarquement en Provence.
À la fin de la guerre, elle fonde l’Association Amicale Alliance, recense les morts et disparus et préserve la mémoire de ses compagnons.
Engagée politiquement après la guerre, elle soutient le général de Gaulle, milite au sein du RPF et de l’UNR, et devient députée européenne (1980‑1982). En 1989, elle devient la première femme honorée aux Invalides, symbole d’un courage et d’une détermination hors du commun.

mardi 14 mars 2017

Lucie Aubrac (1912-2007)

Lucie Aubrac – L’engagement sans concession

Lucie Aubrac, née Lucie Bernard en 1912, appartient à cette génération pour laquelle la défaite de 1940 ne fut pas seulement militaire, mais morale. Agrégée d’histoire, enseignante, elle refuse très tôt l’idée d’une France soumise. À Lyon, avec son mari Raymond Aubrac, elle s’engage dans la Résistance intérieure et participe à la fondation du mouvement Libération-Sud, l’un des plus actifs en zone non occupée.


Dans la clandestinité, Lucie Aubrac ne se contente pas de tâches secondaires. Elle organise des liaisons, transporte des messages, héberge des militants recherchés et participe aux décisions stratégiques du mouvement. Son autorité repose sur une intelligence pratique, un sang-froid constant et une capacité à agir vite dans des situations extrêmes.

L’épisode qui la rend célèbre survient en 1943, lorsque Raymond Aubrac est arrêté par la Gestapo de Klaus Barbie. Refusant l’impuissance, Lucie Aubrac monte une opération d’une audace exceptionnelle. Usant de ruse, de détermination et d’une parfaite connaissance de l’adversaire, elle contribue à l’attaque du convoi allemand et à l’évasion de plusieurs résistants, le 21 octobre 1943. Enceinte au moment des faits, elle démontre que le courage n’est ni une posture ni un symbole, mais une action concrète.

Traquée à son tour, elle parvient à quitter la France et poursuit son engagement à Londres puis à Alger, jusqu’à la Libération. Après la guerre, Lucie Aubrac reprend son métier d’enseignante et consacre une large part de sa vie à transmettre la mémoire de la Résistance, refusant les simplifications et les mythes figés.

Lucie Aubrac meurt en 2007. Elle laisse l’image d’une résistante entière, qui n’a jamais accepté d’être réduite au rôle d’épouse héroïque, mais qui a assumé pleinement celui d’actrice de l’Histoire – convaincue que la liberté se conquiert par des choix, parfois au péril de sa vie.

mardi 27 octobre 2015

Georges Guingouin (1913-2005)
Georges Guingouin – L’instituteur devenu « premier maquisard de France »
Il y a dix ans Georges Guingouin, né en 1913 en Haute-Vienne, orphelin de père tombé au front en 1914, quittait ce monde. Élevé par une mère institutrice, il suit le même chemin : École normale de Limoges, premier poste à Saint-Gilles-les-Forêts, militant communiste engagé. Mobilisé en 1939, blessé en juin 1940, il refuse la captivité et regagne Limoges. À peine rétabli, il entre en clandestinité sous le nom de Raoul. Révoqué de l’enseignement à l’automne, il organise des groupes, fabrique de faux papiers, imprime tracts et journaux.
En 1941, traqué, il « prend le maquis » – l’un des tout premiers de France.
De caches en forêts corréziennes, Guingouin construit patiemment une résistance locale soudée : imprimeries clandestines, sabotages, constitution de groupes armés. 
Condamné à perpétuité par contumace en 1942, il reste pourtant sur le terrain. Refusant de concentrer son action en ville comme le lui demande la direction communiste, il s’obstine à défendre « ses hommes » et les campagnes limousines où il a commencé la lutte.
À partir de 1942, il multiplie les actions ciblées : destruction de machines agricoles réquisitionnées par Vichy, enlèvements de dynamite, sabotage du viaduc de Bussy-Varache, neutralisation d’un câble stratégique de la Kriegsmarine. Dans la forêt de Châteauneuf, il forme un maquis structuré, discipliné, qui devient au printemps 1944 l’une des forces les plus solides du Massif Central.
L’été 1944 marque son heure de vérité. Sa 1ère Brigade de marche limousine, environ mille hommes, tient tête le 9 juin à la division SS Das Reich. Puis, au Mont Gargan, elle résiste plus d’une semaine à une offensive allemande acharnée. Les pertes sont lourdes, mais Guingouin devient une figure centrale de la résistance limousine. Le 3 août, il est nommé chef départemental FFI, à la tête de près de 8 000 combattants.
C’est lui qui négocie – fait rare – la reddition d’une partie de la garnison allemande de Limoges, le 21 août 1944. Grâce à une manœuvre audacieuse et à l’appui d’une mission interalliée, la ville est libérée sans les destructions redoutées. Au lendemain de la Libération, Guingouin administre l’ordre public, organise les contingents rejoignant le front et devient brièvement maire de Limoges (1945-1947).
Mais la paix apporte ses propres tempêtes. En désaccord avec sa hiérarchie depuis la guerre, il est exclu du Parti communiste et bientôt victime d’une affaire judiciaire qui le mène en prison avant son acquittement – affaire aujourd’hui reconnue comme une injustice politique. Guingouin reprend finalement sa vie d’instituteur dans l’Aube, loin du tumulte limousin.
Retiré de l’armée avec le grade de lieutenant-colonel honoraire, il publie plusieurs ouvrages, témoignant de son parcours singulier. Mort en 2005, inhumé à Saint-Gilles-les-Forêts, il demeure l’une des grandes figures de la Résistance rurale, parfois oubliée, mais souvent qualifiée – à juste titre – de « premier maquisard de France ».

dimanche 16 novembre 2014

Hélène Nebout (1917-2014)
Hélène Nebout – L’institutrice qui devint cheffe de maquis 

En 1940, Hélène Nebout a 25 ans. Institutrice en Charente, elle n’a rien d’une combattante et ne porte aucun uniforme. Pourtant, l’Occupation va transformer cette jeune femme au destin ordinaire en l’une des figures les plus singulières de la Résistance intérieure. Son engagement naît d’un refus simple et total : elle ne supporte pas l’idée d’une France à genoux. Alors elle entre en clandestinité.

Avec quelques résistants charentais, Nebout participe à la création du maquis Bir Hakeim, ainsi nommé en hommage aux soldats de la France libre qui ont tenu tête à l’Afrika Korps. Sous le pseudonyme « Chef Luc », elle organise, transmet des ordres, structure un groupe fragile qui doit constamment se disperser, se reformer, survivre. Très vite, les hommes qu’elle encadre la considèrent comme une cheffe naturelle. Son autorité ne repose pas sur la force mais sur un sang-froid remarquable et une maîtrise des situations les plus périlleuses.

L’année 1944 fait sortir de l’ombre ceux qui, jusque-là, combattaient invisibles. Alors que les lignes allemandes reculent, le maquis Bir Hakeim participe à la libération d’Angoulême. Nebout y apparaît publiquement sous son grade clandestin, symbole d’une hiérarchie bouleversée où les résistants passent brutalement de la clandestinité à la lumière. Quelques jours plus tard, lors de la visite du général de Gaulle dans la ville libérée, elle figure parmi les combattants choisis pour représenter la Résistance locale. La présence de cette jeune femme, cheffe de maquis, bouscule les représentations habituelles de la lutte armée.
Mais pour elle, la guerre ne s’arrête pas à l’été 1944. Nebout rejoint le front de l’Atlantique, où les dernières garnisons allemandes refusent de se rendre. Elle combat dans la poche de Royan, puis sur l’île d’Oléron. Sans transition, elle passe de la clandestinité à l’affrontement en uniforme, poursuivant la lutte jusqu’aux ultimes combats sans chercher ni carrière politique ni mise en scène médiatique.

Après-guerre, l’histoire nationale retient surtout des figures masculines. Le parcours d’Hélène Nebout, institutrice devenue cheffe de maquis et reconnue par de Gaulle lui-même, ne cadre pas avec les récits traditionnels. C’est sans doute l’une des raisons pour lesquelles son nom reste trop discret. Pourtant, elle incarne un visage essentiel de la Résistance : celui des femmes qui n’ont pas seulement ravitaillé, soigné ou renseigné, mais commandé, combattu et risqué la mort.

Son histoire rappelle que les temps de crise révèlent des forces insoupçonnées. Rien, dans sa salle de classe, ne préparait Hélène Nebout à libérer une ville ou à mener des opérations clandestines. Mais lorsque la guerre s’est imposée, elle a refusé de laisser les événements décider pour elle. Elle demeure l’une de ces femmes dont l’engagement a changé le cours de l’histoire — discrète dans la mémoire publique, essentielle dans la réalité du combat.

lundi 7 juillet 2014

Georges Mandel (1885-1944)

Georges Mandel –  La voix de la résistance républicaine.

Le 7 juillet 1944, il y a très exactement 70 ans, Georges Mandel est exécuté en forêt de Fontainebleau par la Milice française, sur ordre des autorités de Vichy. Livré aux nazis, détenu en Allemagne, il avait été renvoyé en France pour y être tué. Il avait 59 ans.

Né en 1885, Mandel commence sa carrière politique comme directeur de cabinet de Clemenceau pendant la Première Guerre mondiale. Élu député en 1919, il devient, dans les années 1930, ministre des Postes, puis des Colonies, et enfin de l’Intérieur. Il est l’un des premiers responsables politiques à alerter sur le danger que représente Hitler. Il plaide pour le réarmement et une politique de fermeté. Il reste isolé.

Mandel incarne une droiture républicaine inflexible, refusant à la fois le pacifisme naïf des années 30 et la capitulation devant l’Allemagne nazie. En juin 1940, alors que la République vacille, il s’oppose à l’armistice. Les Britanniques lui proposent de quitter la France ; il refuse :
« Vous craignez pour moi parce que je suis juif. C’est justement parce que je suis juif que je ne partirai pas. »
Il fait partie des 80 parlementaires qui refusent les pleins pouvoirs à Pétain. Arrêté, emprisonné, livré aux Allemands, il partage sa captivité avec Léon Blum à Buchenwald.

Churchill, qui le considère comme un véritable homme d’État, souhaite lui confier un rôle central dans la France libre. Mais Mandel, conscient que son identité juive serait exploitée par la propagande de Vichy et des nazis, soutient la légitimité de De Gaulle.
En juillet 1944, après l’exécution du propagandiste Philippe Henriot par la Résistance, Vichy orchestre l’assassinat de Mandel, en représailles.
Peu après, sa fille Claude, 14 ans, adresse à Pétain une lettre d’une dignité remarquable dont voici un extrait : « Le nom que j’ai l’immense honneur de porter, vous l’aurez immortalisé… Il servira d’exemple à la France et l’aidera à se retrouver, bientôt, dans le chemin de l’honneur et de la dignité. 
Lire l'intégralité de cette lettre (et celle adressée à Laval) ICI.

Georges Mandel est l’une des figures républicaines majeures de la première moitié du XXe siècle. Républicain intransigeant, fidèle à la démocratie parlementaire, au patriotisme civique, à la laïcité, il s’est opposé dès le départ à l’idéologie nazie et au renoncement.
Avec Léon Blum, il incarne ce que notre époque devrait encore méditer. À l’heure où certains répètent que "l’Ukraine n’est pas notre guerre", son parcours rappelle une vérité simple :
Une agression contre le droit, la liberté et la souveraineté d’un peuple concerne tous ceux qui s’en réclament.
Mandel l’avait compris. L’histoire lui a donné raison.