dimanche 7 juillet 2024

Georges Mandel (1885-1944)

Le 7 juillet 1944, il y a très exactement 70 ans, Georges Mandel est exécuté en forêt de Fontainebleau par la Milice française, sur ordre des autorités de Vichy. Livré aux nazis, détenu en Allemagne, il avait été renvoyé en France pour y être tué. Il avait 59 ans.

Né en 1885, Mandel commence sa carrière politique comme directeur de cabinet de Clemenceau pendant la Première Guerre mondiale. Élu député en 1919, il devient, dans les années 1930, ministre des Postes, puis des Colonies, et enfin de l’Intérieur. Il est l’un des premiers responsables politiques à alerter sur le danger que représente Hitler. Il plaide pour le réarmement et une politique de fermeté. Il reste isolé.

Mandel incarne une droiture républicaine inflexible, refusant à la fois le pacifisme naïf des années 30 et la capitulation devant l’Allemagne nazie. En juin 1940, alors que la République vacille, il s’oppose à l’armistice. Les Britanniques lui proposent de quitter la France ; il refuse :
« Vous craignez pour moi parce que je suis juif. C’est justement parce que je suis juif que je ne partirai pas. »

Il fait partie des 80 parlementaires qui refusent les pleins pouvoirs à Pétain. Arrêté, emprisonné, livré aux Allemands, il partage sa captivité avec Léon Blum à Buchenwald.

Churchill, qui le considère comme un véritable homme d’État, souhaite lui confier un rôle central dans la France libre. Mais Mandel, conscient que son identité juive serait exploitée par la propagande de Vichy et des nazis, soutient la légitimité de De Gaulle.

En juillet 1944, après l’exécution du propagandiste Philippe Henriot par la Résistance, Vichy orchestre l’assassinat de Mandel, en représailles.

Peu après, sa fille Claude, 14 ans, adresse à Pétain une lettre d’une dignité remarquable dont voici un extrait :

« Le nom que j’ai l’immense honneur de porter, vous l’aurez immortalisé… Il servira d’exemple à la France et l’aidera à se retrouver, bientôt, dans le chemin de l’honneur et de la dignité. 

Lire l'intégralité de cette lettre (et celle adressée à Laval) ICI.

Georges Mandel est l’une des figures républicaines majeures de la première moitié du XXe siècle. Républicain intransigeant, fidèle à la démocratie parlementaire, au patriotisme civique, à la laïcité, il s’est opposé dès le départ à l’idéologie nazie et au renoncement.

Avec Léon Blum, il incarne ce que notre époque devrait encore méditer. À l’heure où certains répètent que "l’Ukraine n’est pas notre guerre", son parcours rappelle une vérité simple :
Une agression contre le droit, la liberté et la souveraineté d’un peuple concerne tous ceux qui s’en réclament.
Mandel l’avait compris. L’histoire lui a donné raison.

dimanche 15 décembre 2013

À la mi-décembre 1943, l'arrestation de Paul Charles

À la veille de la foire de décembre, Paul Charles, instaurateur de la Résistance à Nérac, était arrêté. Aujourd'hui, une salle de la mairie annexe porte son nom. André Pradeu, des mouvements de Libération, nous rapporte la relation de ces faits très importants dans l'histoire de la Résistance néracaise: Un attentat début décembre 1943 à Toulouse, contre une personnalité politique importante, marquait le paroxysme d'une vague d'exécutions en représailles des arrestations de grandes figures de la Résistance; il donna prétexte à la police allemande d'une rafle parmi les responsables régionaux de la Résistance. C'est ainsi que le 14 décembre 1943, vers les 10h30, une Citroën noire s'arrête brusquement devant la boutique de chaussures au 18 cours Romas à Nérac. 
Ce magasin, situé entre l'immeuble Lafitte et la maison de vêtements "au Phénix" de M.Puigbo est exploité par Mme Charles aidée de sa belle-fille. Son fils, Paul Charles,représentant de commerce est alors responsable dans un établissement de chaussures-mercerie situé à une centaine de mètres de la maison familiale. Le couple a deux enfants adolescents, Paulette et Guy. Deux civils sortent précipitamment du véhicule et s'engouffrent dans le magasin. Un militaire en uniforme allemand, mitraillette en main,se place devant la porte d'entrée de la boutique. Un autre range la traction à l'entrée de la rue Armand Fallières, le long de la deuxième vitrine "Phénix", puis, mitraillette en avant, prend position à l'entrée de l'arrière-boutique rue Brostaret. La manoeuvre est précise, calme, bien ordonnée avec une parfaite connaissance des lieux, et pourtant ce sont bien des allemands de la Gestapo d'Agen. Sans hésiter, ils arrêtent Paul Charles sur son lieu de travail. Le colt que ce dernier porte toujours sur lui reste inaccessible. Les deux civils lui passent les menottes et le poussent à l'intérieur de la traction. Le militaire en faction dans la rue Brostaret reçoit l'ordre de surveiller le véhicule et l'accès à l'arrière-boutique. Pendant que la Gestapo procède à l'arrestation puis à la fouille systématique de la maison, Guy Charles, maquisard et déserteur des chantiers de jeunesse, venu passer ce midi en famille, voit le danger et s'échappe par les toits. Il fait brusquement irruption dans la pièce servant d'atelier à M. Puigbo qui comprend immédiatement la situation, habille Guy Charles et lui donne son vélo pour qu'il puisse s'enfuir, sous l'oeil désintéressé de la sentinelle du Cours Romas. Malgré une perquisition infructueuse, Paul Charles est arrêté et amené à Agen; il ne reviendra jamais des camps de la mort. Cependant, avant qu’il ne soit amené, son ami André Caumont passant par là et le voyant installé dans la voiture a juste le temps de s’approcher avant qu’un fonctionnaire ne l’écarte brutalement pour entendre son ami lui souffler « T’en iras beze aou cazaou » (tu iras voir au jardin). Mais qui était Paul Charles ? Un républicain convaincu qui depuis son adhésion sans réserve en 1940 à la Résistance puis au mouvement « Combat » personnifie cet instinct diffus puis par la suite ce sentiment très net que la Résistance vaincra et assumera le pouvoir de demain. « T’en iras beze aou cazaou ». C’est le message dans la langue maternelle de la continuité dans la résistance. Le jardin, source de subsistance en ces temps de famine, est la cache sûre où sont planqués papiers, documents, armes…. Tellement sûre que les enquêtes, la délation, les témoignages recueillis, tous les moyens dont disposent les collaborateurs pour informer leurs patrons policiers n’en révèleront jamais l’existence. Et peut-être Léo Sarda, Gabriel Lapeyrusse, André Garbay, Alix Olivié et tant d’autres doivent-ils leur liberté au silence de Paul Charles et de Jean Barenne. Car il serait injuste d’évoquer l’arrestation de Paul Charles, qui demeure le créateur de cette unité FFI appelée « Bataillon de marche néracais », sans rappeler celle de Jean Barenne, responsable à Port-Sainte-Marie du même mouvement de résistance, arrestation tout aussi tragique et survenue à trois heures d’intervalle. Alertés par André Caumont, Gabriel Lapeyrusse et Guy Gaure partent pour Port-Sainte-Marie avertir Jean Barenne des évènements de la matinée et des mesures d’urgence à prendre. Déjà Jean Barenne a reçu Guy Charles et conseille à ses amis de rejoindre d’urgence le maquis de Clairac alors qu’il ne lui reste que quelques minutes pour prévenir ceux qu’il pense les plus exposés. Gabriel Lapeyrusse et Guy Gaure rejoignent Clairac, et à peine ont-ils dépassé les dernières maisons de Port-Sainte-Marie que la Gestapo s’empare de Jean Barenne. Il rejoindra Paul Charles pour l’éternité. Le lendemain Gabriel Lapeyrusse vendra ses légumes ; c’est la foire du 15 décembre 1943, il y a de cela très exactement 70 ans.

dimanche 22 août 2010


Notre père, René Pagès (1926-1990). Médaille Militaire. Entré dans la Résistance à l'âge de 17 ans en 1943, il y est resté jusqu'à la Libération à laquelle il a participé.
Ne voulant pas se prévaloir du certificat établi par Gabriel Lapeyrusse, chef du bataillon Néracais, il n'a jamais demandé la Médaille de la Résistance à laquelle il avait droit.
Un blog sur la Résistance dans le Néracais, j'y pense depuis 2005... Précisément depuis le jour des obsèques de mon grand-père, quand j'ai vu qu'aucun élu, aucun adjoint d'élu, aucun adjoint d'adjoint  n'était présent à la cérémonie.
Sur cette photo c'est lui, à qui de Gaulle va serrer la main.
Longtemps, les enseignants de Nérac lui ont adressé leurs élèves pour qu'il leur parle de cette époque, ce qui devait lui être difficile car à nous il n'en parlait pas.
Il existe aussi un livre, dans lequel on parle de lui et dont je donnerai les références.
Mon père, lui, était un adolescent quand il est entré dans la Résistance, et il l'était encore quand il a participé à la Libération.
Il y a de quoi être fier d'eux et c'est pourquoi depuis 2005 j'ai pensé à ce blog qui leur rendrait hommage. J'aurais pu le faire avant... J'aurais pu aussi, simplement, y penser avant...

 

Notre grand-père, Alix Olivié (1907-2005), ici avec le général de Gaulle. Chevalier de l'Ordre de la Légion d'Honneur, Médaille Militaire, Médaille de la Résistance.